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mercredi 30 avril 2014

" Les 3 soeurs du Yunnan" de Wang Bing



Quelque part dans le Yunnan chinois. 3200 mètres d'altitude. Montagnes herbeuses, sans arbres. La neige couvre encore ses pentes par endroits. Un village accroché tout là-haut, dans la brume. Maisons groupées bâties en pisé aux toits de chaume. A l'intérieur, le strict minimum: rares ustensiles de cuisine, bois pour se chauffer et cuire, lits en planches. 80 familles de paysans vivent là, en presque autarcie, une rude vie de paysan. Vie collective. On mange ensemble. Les enfants sont à tous.
Seuls liens avec la lointaine Chine de l'expansion économique: l'électricité, la télévision et l'assurance-santé qui augmentera cette année de 10 yuans (environ 1,1 €), trop cher pour eux dont les maigres revenus proviennent de la vente de pommes-de-terre et du travail à "l'usine de la ville" de certains dont le père des 3 soeurs Yin-Yin, dix ans, Zhen-Zen, six ans, et Fen-Fen, quatre ans. Leur mère est partie, disparue, évaporée. Le père rentre peu souvent de sa lointaine usine. Puis il perd son emploi et reste à la maison avec ses 3 filles.

La caméra filme leurs occupations quotidiennes. La plus active, c'est Yin-Yin. C'est l'enfant que Wang Bing filme constamment. Pas d'oisiveté pour elle mais au contraire des tâches domestiques et agricoles qui l'accapare une grande partie de la journée. Cette fillette est d'une certaine façon déjà adulte. Seule sa mignonne frimousse est celle d'une enfant. Ses travaux, ses gestes ses préoccupations, ses responsabilités sont ceux d'une grande personne: préparer les repas, nettoyer, laver le linge, épouiller la tête de Fen-Fen, ranger, s'occuper des animaux domestiques, couper de l'herbe, aller chercher, porter,...

Peu de paroles dans ce film. La vie est trop rudimentaire et dure pour bavarder. Seul le vent joue sa musique lancinante.

Il y a de belles scènes comme celle où les fillettes abaissent les bambous pour que les chèvres broutent les feuilles de la cime. On voit la petite Fen-Fen qui pousse de tout son poids les tiges vers le bas. La recherche des poux dans les cheveux et les cols de chemises. La préparation du repas.

Les soeurs ont des joies et des peines comme tous les enfants de la terre. Elles n'apparaissent pas malheureuses de leur sort. Peut-être sont-elles encore à un âge où le désir d'une vie meilleure sinon différente ne les atteint pas encore. Sans doute y a-t-il dans leur regard une certaine résignation à un destin qui est celui de leur famille depuis des générations. Ainsi va la vie là haut. Temps long. Routine lente de la survie.

Yin-Yin est écolière. Pour l'occasion, son père la lave, elle d'habitude noire de poussière ou de boue séchée comme ses 2 soeurs. Elle met des vêtements propres, chausse des baskets neufs. Mais le livre de classe est vieux, tâché et corné. Yin-Yin apprend avec passion et à la maison, étudie avec application.

Pas de pathos, pas d'émotion inutile dans ce film. Seul compte pour Wang Bing l'étude ontologique précise. L'oeil du cinéaste est affectueux, ses images toujours empreintes d'une grande délicatesse. Rien ne heurte ou ne choque notre regard de spectateur malgré l'état d'extrême dénuement des habitants de ce village.

La vie semble n'être que terrestre pour ces paysans des montagnes. Pas de petit autel votif avec brûle-parfum et offrandes pour conjurer les mauvais esprits ou prier un dieu. .

La vie s'écoule sans croyance pour ces filles et fils de la terre. 

Dieu n'est pas chinois.

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