Comment ajouter un commentaire

samedi 21 juin 2014

"Poutine, l'itinéraire secret" de Vladimir Fédorovski

Qui êtes-vous Monsieur Poutine ?


Enfant vous étiez une petite frappe, petit caïd des rues de Leningrad, qui cognait pour être respecté. Votre visage et votre attitude sont encore marqués par cette époque de votre vie. On vous sent constamment sur vos gardes prêt à parer les coups. Heureusement votre professeur de judo vous a appris à maîtriser votre violence.
A ce respect pour votre peuple, vous avez contraint les nations. Votre peuple a été humilié par l'effondrement de l'URSS en 1991. Cela a été pour vous insupportable. "Il ne faut pas humilier la Russie" avait déclaré Jacques Chirac en 1990.

On ne méprise pas un peuple de poètes.


Vous avez redonné la dignité à votre peuple. Vous êtes écouté aux réunions de G7. Votre diplomatie est entendue à l’ONU.
Vous avez intelligemment su profiter de la manne pétrolière pour développer votre économie. Vous avez stabilisé la monnaie. Votre économie a décollé. Les capitaux ont afflué.
Après la désastreuse gestion de Boris Eltsine, vous avez réussi à remettre la Russie debout ! Chapeau bas, Monsieur Poutine.

Vous êtes intelligent. Pas de doute sur votre capacité à comprendre et surtout à anticiper. Et dans l'anticipation, vous excellez. Vous êtes un joueur de billard à trois bandes. Vous avez été espion au sein du KGB n'est ce pas ? Ce KGB a été cette formidable école qui vous a permis d'optimiser vos capacités à sentir le monde. Vous avez le premier compris que le duo capitalisme et démocratie, dans leur version US, n'était pas miscible dans la culture russe. Vous êtes arrivé à temps, avant le cataclysme. Vous êtes un adepte de la "démocratie contrôlée". C'est votre philosophie politique que vous avez puisée chez Deng Xiaoping. D'abord enrichir le peuple, ensuite peut-être, établir petit à petit une vraie démocratie. Si vous l'installez, elle sera russe. Pas américaine.

Vous n'êtes pas communiste, ou du moins vous l'avez été par obligation. Russe vous êtes surtout, qui voulez restaurer l'esprit millénaire de la Russie. Vous avez remis les popes dans leurs églises. Vous avez rendu la dignité et l'efficacité à votre armée. Les gouverneurs des régions sont à votre botte. Par cet aspect de vous, vous me rappeler cet autre homme fort, le général Franco. qui a gouverné l'Espagne de 1939 à 1975.

Pour l'instant vous vous concentrez sur l'exercice autocratique du pouvoir, forme de gouvernement des tsars. Vous avez réussi. Il semblerait que 70 % du peuple vous suive.

Alexandre Soljenitsyne, Prix Nobel de Littérature, finira même par vous "admirer", Vladimir ! Cette position de ce grand auteur, il n'y a pas grand monde qui la connait.

Vous êtes cet homme fort qui a mené la guerre en Tchétchénie, terroriser le terrorisme islamiste, mis à genoux les oligarques, trouver des solutions originales à la guerre civile en Syrie, "gérer à votre façon" la crise ukrainienne, monter les Jeux de Sotchi. Vous vous êtes même impliqué personnellement dans le problème de l'homosexualité dans votre pays.


Mais vous restez depuis trop longtemps au pouvoir. Il use, ce pouvoir ! Il corrompt l'âme, installe la paranoïa dans le cerveau. Un jour vous voudrez avoir raison contre tous. Et pour que les gens ne vous contestent pas, vous serez tenté d'instaurer la peur !
Vous êtes devenu dur, cynique, arrogant.
Est-ce bien vrai que vous voulez restaurer quelque chose qui ressemblerait à la défunte URSS ? 

Je laisse le lecteur de ce livre découvrir comment Vladimir Fedorovski interprète "vue de la Russie" votre politique et votre stratégie.

Les temps sont difficiles. Quoi que vous fassiez, Monsieur Poutine, ne succombez jamais à la tentation isolationniste.

Elle tuerait la Russie.

lundi 9 juin 2014

"L'Oural en plein coeur" d'Astrid Wendlandt

Elle est mignonne la petite Astrid ! Mais elle nous a un peu berné avec son livre. Elle nous parle certes d’Oural, mais peu, préférant nous conter ses amours russes. Comme on l’aime beaucoup à cause de son caractère gai et son écriture agile, nous l’excuserons d’avoir écrit un livre alimentaire. Nous la suivons, tout au long de la lecture, avec ses yeux blue lagoon et ses cheveux blonds tressés en épis de blé, dans sa quête amoureuse. 
Elle plaît aux hommes. Mais elle a cette curieuse croyance que si c’est elle qui se déclare en premier, l’amour durera. 

Une fois le livre refermé, la signification du titre saute au yeux. « L’Oural en plein coeur », est bien une histoire d’amour. S’il s’agit de coeur, c’est celui de deux habitants de ce territoire qui vont faire palpiter le sien.

Ainsi, les cent premières pages sont-elles consacrées à Micha, un rockeur de l’Oural rencontré à Tcheliabinsk, la ville industrielle sale et polluée où ont été fabriqués le fameux T34 et les "katiouchas" de IIème Guerre Mondiale. Elle court après Micha, qui finira par se laisser prendre dans les filets romantiques d’Astrid. C’était en 1995. Leur union est passionnelle. Jusqu’au moment où ayant oublié de prolonger son visa, la milice la trouve et la jette brutalement hors de Russie par la premier avion en partance pour la France. Elle pleure Micha. Quelques SMS et puis plus rien. La distance a brouillé les messages.
En 2010, elle repart en Russie vers cet Oural où elle projette d’aller à la rencontre des peuplades autochtones, les Khanty, les Mansis, les Konis, les Oudmourtes. Mais un autre objectif est de retrouver Micha dont elle se s’est pas totalement guérie malgré les longues années de séparation. Elle retrouve Micha par la mère de celui-çi, mais Micha ne la regarde plus. 

Grande tristesse dépressive.

Mais heureusement, il y a Dima, un copain de Micha, qui sans lui proposer expressément, l’accompagne dans son aventure de journaliste-ethnologue. Pour Astrid, cet homme peut être utile car se déplacer dans l’Oural n’est pas simple et en cas d’attaque ou de vol, c’est mieux aussi. Il la courtise. Elle demeure un temps peu sensible à ces avances, puis succombe tellement Dima fait merveilleusement la queue de paon. L’amour-amitié du début se transforme en amour vrai. Ce seront les cent dernières pages de livre. A la fin, Dima posera son sac dans l’appartement d’Astrid à Paris et un an après une petite fille naît, Milla, pour laquelle ce livre a été écrit.

Astrid se jette dans l’amour sans appréhension aucune. Aimer suffit, il faut consommer quite à se consumer. L’après, on verra ! Elle parle de l’état amoureux d’une belle façon. Il n’y a jamais un détail en trop, jamais d’exhibitionnisme jamais de vulgarité. Et si elle nous fait part d’un fantasme que réalise Dima un nuit, c’est dit avec les mots de quelqu’un qui va se régaler d’un plat savoureux. Tout est en finesse et délicatesse chez cette femme. Elle a finalement eu raison de nous parler d’amour. Trop peu de gens savent en parler.

Partir à la rencontre des peuplades de l’Oural reste son objectif. Elle partira du sud, de Tcheliabinsk,  filer plus au sud vers Arkaïm où elle rencontre des chamans qui lui apprennent l’énergie positive. Puis elle remontera le long du massif en suivant les courbes du l'Ob, grand fleuve de 5400 km, vers Severouralsk et Saranpaul où elle commence à voir des communautés autochtones mais qui se russifient à grand pas. Avant ces villes, elle découvre Alexandrovka, sorte de phalanstère, loin de tout, où des individus, avocats, médecins, ingénieurs, coupent les liens avec cette société qui ne les illusionne plus, pour vivre en communion totale avec la nature, tirant d’elle subsistance et philosophie de vie. Une sorte de post-communisme. Dima sera un instant tenté par cette aventure. Astrid, pas du tout ! Ils repartiront vers le cercle polaire, à Vorkouta et Yamal où Astrid retrouvera ces Nenets de la toundra, éleveurs de rennes, avec lesquels elle vécut quelques années auparavant.

C’est une grosse déception pour Astrid de constater que ces peuplades perdent progressivement leur identité pour se fondre dans celle, virile mais sans saveur, de la Russie de Poutine. La globalisation est à l’oeuvre qui façonnera un être universel, mais mal fabriqué, car ayant rompu avec sa culture millénaire. La mondialisation fait disparaitre des langues, des savoirs-faire, des artisanats, des mode de vie originaux. La loi du plus fort impose ses vues, qui sont totalement déconnectées de l’endroit où elle s’applique. Ce qui donne cet individu titubant et hébété que l’on rencontre souvent en Russie. Le communisme s’est écroulé de sans alternative politique originale. Un capitalisme mal assumé s’est engouffré dans la brèche faisant naître brigandage et corruption généralisée. Si l’âme russe existe encore, la civilisation qui l’enrobe est en perdition totale. La Russie est un pays riche où les gens sont pauvres, désoeuvrés et alcooliques. 

Astrid aime la Russie. Elle aime ses espaces infinis et purs de plaines, de montagnes et de végétation primaire. 

Elle aime le Russe, cet être chaleureux qui sait vivre pleinement de l’instant... car l’avenir n’est pas russe.

mardi 3 juin 2014

"Homesman" de Tommy Lee Jones



Contrastes. Ils sont violents dans ce film.
"Territories" de l'Ouest nus et mornes contre un Est joyeux, vert, riche.
Enfer de l'Ouest, pays d'outlaws et de rudes pionniers contre le paradis de l'Est civilisé et organisé.
Contraste entre les deux protagonistes principaux. Mary Bee, sévère, autoritaire, dure à la tâche, méthodiste fervente qui accomplit la mission que Dieu lui a confié sur terre. Elle économise sou par sou pour augmenter son capital. Prière et travail. Max Weber écrira plus tard "Protestantisme et esprit du capitalisme ». .
Mais elle aimerait se marier pour disposer de bras supplémentaires et procréer. Elle voudrait aimer. Mais par son caractère, elle effraie les hommes.
A l’inverse, George Briggs/Tommy Lee Jones est ce vagabond, lonesome cow-boy, chasseur de primes, déserteur de l’armée américaine, qui acceptera pour 300 US$ de seconder Mary Bee dans dans sa folle mission d’emmener trois femmes devenues folles vers leur lieu d'origine, cet Est paradisiaque où elles seront soignées. George est un "rapatrieur" un "homesman". Ce compagnon de voyage est un être rustre et madré. La vie pour lui est simple. Pragmatique, il trouve toujours des solutions à tous les problèmes. Il sait avec peu de mots communiquer avec les folles. Elles ne lâcheront pas cet homme dont elles sentent un langage d’amour dans ses grognements. Avec Mary Bee, une espèce d'affection se crée entre eux. Amour ? En quelque sorte ! Mais difficile à dire.

Il y a un peu de Sancho Pancha en lui qui tempère la témérité donquichotesque de Mary Bee.


Folie. La carrriole des trois folles roule dans ce néant comme la Nef des Fous vogue sans but sur la mer. Jérome Bosch a peint ce tableau pour critiquer la folie des hommes qui vivent hors du sens commun. Mais les plus fous, qui sont-ils dans le film ? Ces trois femmes dans le chariot-cellulaire, ou bien Mary Bee, femme fanatique et forcenée qui mène une lutte inégale contre la solitude, contre la nature, sous le regard du Dieu méthodiste qui envoie en Enfer pour une peccadille ? Elle tentera de se faire aimer de cet homme. Ou bien encore dans cet hôtel bleu au milieu de no where, ces hommes d’affaires, aveuglés par les chimères du business et fous de US$, attendant les investisseurs qui bâtiront une ville autour de cet hôtel ? Scène absurde, surréaliste.
La proximité des fous nous protège de nos élucubrations mentales, renforce notre sagesse et notre envie de vivre.
Les fous sont un marqueur. On devrait les laisser se promener en ville. Les italiens leurs autorisaient la sortie du dimanche. Est-ce toujours le cas ?
La folie s'est emparée de ces trois femmes. La maladie du charbon a décimé les troupeaux, la grêle détruit la moisson, un bébé est jeté vivant dans les toilettes car on ne peut le nourrir. Dieu a envoyé ces calamités pour quelques fautes graves que ces femmes auraient commises.
Je ne sais pas si Dieu guérit la folie, mais je sais que Dieu peut rendre fou.

Western. Mais à l’envers. On est loin de Rio Bravo. Içi pas de John Wayne, calme et sûr, protecteur des faibles, justicier moral dont le colt ne rate jamais la cible. Pas de Angie Dickinson à la fois intrépide et amoureuse. Tommy Lee Jones, qui est le réalisateur de ce film, brise le mythe américain de la Conquête de l’Ouest, présentée comme merveilleuse et civilisatrice. Notre héroïne vit modestement dans une maison au milieu d’une propriété vide d’arbres et loin de tout, terre à bisons plutôt que terre à hommes. Les fermiers, disséminés dans ce vaste Nebraska, habitent des maisons modestes. Le village est également sans cachet. La vie est âpre et dure. La civilisation est loin. Les malades restent sans soin et meurent ou deviennent fous comme ces trois femmes suite à la perte de leur troupeau due à une fièvre fulgurante et suite à la mort de leurs enfants des suite d'une diphtérie. Le dénuement est total.
Içi point de chevaux pour tirer le chariot, mais de fortes mules. Dans le western du mythe, la mule ou l’âne est la monture du mexicain.
Les indiens ne semblent pas sortir d'une réserve pour touristes visitant le site de la bataille de Little Big Horn. Mais les bandits sont méchants.

Beauté. Magnificence des paysages désolés et plats du Nebraska dans lesquels roule le chariot transportant les trois femmes aliénées. Jamais les images de ce long voyage ne provoquent l’ennuie. 
Un arbre apparait soudain. Le regard de Mary Bee Cuddy /Hilary Swank caresse le tronc jusqu'au faîte. "J'aime les arbres" dit-elle
Le vibrato d'une guitare résonne dans l'air cristallin et pur de ces mornes plaines. C'est le privilège de l'air sec que d'amplifier son.
L'équipage roule d'Ouest en Est des Etats-Unis en construction.
On s'extasie devant ces couchers de soleil, panoramiques, largement flammés de rose et de bleu.
Du film "Nebraska" à "Homesman", rien ne finit l'horizon. Tout comme, passé le défilé de Pancorbo, la Castille s'étend en éventail vers ce même infini subtil , comme l’entrée dans les steppes sibériennes. Bleu du ciel. Gris acier de l'horizon. La province du Transval en Afrique du Sud offre ces vastes perspectives, vertes au printemps, brûlées le reste de l'année.

L'infini unifie l'homme.