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vendredi 30 mai 2014

"Maïdan" de Sergei Loznitsa

"Vous êtes tous des héros !"

La belle image de ces vieilles dames qui assurent de petites intendances. Il y a celle qui donne des petits pains à manger aux déterreurs de pavés. Il y a celle qui distribue des masques en non-tissé aux combattants partant dans les nuages de gaz anti-émeutes lancées par les berkouts. Il y a celle qui, brandissant la croix devant les policiers, les exhorte à abandonner le combat. Petites dames courageuses, enroulées dans d'épais manteaux, un gros bonnet en laine tricotée enfoncé sur la tête, bravant le froid vif de ces mois d'hiver ukrainien. Elles vont, d'un pas doux, déterminées au milieu des révolutionnaires, murmurant des encouragements. Il y en a sûrement des dizaines de ces vieilles dames que la caméra n'a pas filmées.
Serrons-les très fort contre notre coeur !

La musique
Tous les chants et morceaux du films sont magnifiques. Chants populaires, religieux. Hymne national. Musique rock, pop, rap, et cette musique crée spécialement pour Maïdan
Il doit bien exister un CD quelque part. Je fais confiance à O. pour le trouver.
La musique est partout tout le long du film. Sophie Avon le note dans son bel article qu’elle a écrit dans la "République du Cinéma"

Quant on pense que ces criminels de berkouts ou autres mercenaires ont fait exploser la salle de concert du Conservatoire Tchaikovsky qui se dresse en bordure de cette même place Maïdan, on se dit qu'il y a une absolue nécessité pour l'Ukraine à mener la Révolution jusqu'au bout.

Les combats.
Ils sont très violents et font apparaître notre Mai 68 comme une sortie de copains.

Les combattants sont jeunes, coiffés de tous les casques disponibles, de cycliste, de motard, de snowborder, de l’armée, certains le visage enfoui dans un masque anti-gaz, d’autres cachés derrière un simple foulard. Beaucoup ont des protèges-tibias et des genouillères à cause des coups de barre de fer ou de matraque. Ils courent d’un même élan vers la rangée de berkouts qui eux sont bien équipés, bouclier en fer de protection, casque à visière. Aucun n’hésite ni ne recule de ces jeunes révolutionnaires qui se battent aux milieux des bombes anti-émeutes, assourdissantes ou lacrymogènes, des lances à eau. Ils jettent des pavés, tapent sur les boucliers de berkouts, invectivent, hurlent pour se donner du courage. Derrière pour dynamiser la charge, un bidon résonne des coups régulier d’une batte, boum, boum, boum…
Les berkouts, eux, ont l’air d’avoir peur. Peur de ces jeunes mal habillés et mal armés alors qu’eux sont harnachés et équipés tels des Dark Vador. Ils restent sur place,immobiles, en ligne serrée, se protégeant de leur bouclier.
Mais sur les dernières journées, ils se sont avancés sans peur car armés de fusils tirant à balles réelles. Quelle lâcheté ! Mais qui étaient-ils ces berkouts derrière les visières de leurs casque, des ukrainiens ou bien peut-être des russophiles de l’Est du pays, ou mieux encore des russes de Russie, des russes de Poutine et pour plus de cruauté, des Tchéchènes russophones qui tirent sans hésitation aucune ?
Un premier insurgé tombe à terre. Cette chute, elle est brutale. Un cailloux qui tombe. Rien à voir avec le cinéma qui nous montre des corps qui chutent trop lentement. Sur Maïdan, l’impact de la balle terrasse littéralement le corps. C’est terrible ! On ne veut pas y croire ! Mais ce corps est à terre, inerte ! C’est le premier tué de Maïdan. Puis, ce sera un massacre. 100 autres personnes paieront de leur vie pour la liberté et la démocratie de leur pays.

Ukrainiens et Russes
Ce Président Poutine s’étant approprié la Russie, je ne dirai pas ce que pensent les Russes des évènements ukrainiens puisque cet homme ne les laisse pas s’exprimer ou du moins n’ont-t’ils que le droit de répéter ce que lui, Poutine, dit. Mais j’écrirai ce que le Président russe pense et dit au nom de tous. Il a déclaré que les ukrainiens et les russes sont un même peuple. Curieux non ! Dit-on en Europe que les espagnols et les portugais le sont, bien qu’ayant la même racine linguistique ? Non, bien sûr ! On dit les espagnols d’une part et la portugais d’autre part. Et sans avoir besoin de regarder de très près, on voit assez facilement qu’ils ont entre eux de grosses différences. Eh bien, entre les ukrainiens et les russes, c’est pareil. Ils sont très différents. Pour nous européens de l’Ouest, ce n’est pas évident tellement il nous semble que la langue ukrainienne et russe sont identiques. Ce qui n’est pas le cas car un russe ne comprend pas l’ukrainien alors qu’un ukrainien comprend et parle le russe. Le Président Ianoukovitch, russophone de Donetsk, ne parlait pas la langue ukrainienne, ce qui choquait tant les habitants de ce pays. O. me disait qu’une linguiste russe de sa connaissance prétend que l’ukrainien est une sous-langue du russe. Pas mal le lavage de cerveau !

L’Ukraine est un pays souverain dont les frontières sont garanties par la Mémorandum de Budapest signé en décembre 1994 par de nombreux Etats, dont la Russie. Revenir sur ce traité sous la forme violente que nous connaissons actuellement, n’est-ce pas quelque part une déclaration de guerre de la part de Poutine ?

L’organisation de Maïdan
Maïdan est une ville dans la ville. La caméra montre cette place où le moindre endroit est judicieusement investi et utilisé dans le but d’optimiser la lutte qui de l’avis de tous durera longtemps. Les tentes sont bien alignées le long d’allées larges et commodes. Le podium
est installé de telle manière que le plus grand nombre puisse suivre les discours, les messes religieuses, les concerts de musique. Nous voyons les gens évoluer sans se gêner malgré la violence des combats. Mon post du 26 février « Concerto pour piano et barricades » décrit cette organisation sur Maïdan. Je ne répèterai donc pas mes propos.
Je ne parlerai içi que des barricades dont je n’avais pas mesuré l'ingéniosité. La caméra le montre bien, ces barricades sont montées de telle manière à bloquer efficacement l’avancé des berkouts. Un espace est prévu pour faire brûler les pneus dont la fumée noire est un écran efficace. De lourds véhicules entravent la marche de la police, ne lui laissant souvent qu’une fenêtre étroite pour intervenir. On le voit très nettement, la police n’a pas avancé d’un pouce sauf le jour où elle a commencé à tuer. Alors la partie était devenue inégale. Les insurgés n’avaient pas prévu que les berkouts allaient devenir des assassins.

Gens de Maïdan
Le réalisateur ne les fait ni parler, ni témoigner ou commenter. Et c’est tant mieux ! La caméra suffit ! Parler en plus aurait détruit l’impact et la vérité de l’image. Les insurgés veulent la fin du mensonge et du vol organisé. Ils veulent la liberté et la démocratie. Pas nécessaire d’expliquer. Tout le monde sait de quoi il s’agit. L’idéal est défini, clair et beau. Pas de bavardages ni de gloses inutiles. L’action seule tend maintenant ce peuple jusqu’à la victoire finale.
Nous voyons les gens marcher, aller et venir, de la ville vers Maïdan, de Maïdan vers la ville, approvisionner, préparer des repas, manger, dormir, prier, partir à l’assaut, lancer des pavés ou des cocktails-molotov, des pneus dans les flammes, secourir des blessés, donner à boire, etc. C’est une fourmilière où chacune et chacun joue un rôle précis.
Et ils chantent, beaucoup et souvent.

Sans doute Inna Shevchenko manquait-elle ! Le jour où les droits de cette république ukrainienne seront rétablis, elle pourrait orner le prochain billet de banque dans cette même attitude entraînante de la Marianne de Delacroix poussant en avant les insurgés de 1848 qui ornait nos anciens billets de 100 Frs.

On s’est marié sur Maïdan. On est mort sur Maïdan. Mais sans doute aussi des bébés sont-ils nés sur Maïdan !

Et puis il y a la poésie, toujours et encore, en Ukraine, la poésie qui unit ce peuple pacifique, la poésie qui entremêle les âmes et les coeurs, la poésie pour rire, la poésie pour pleurer, la poésie pour aimer, la poésie pour prier, la poésie pour naître et celle pour mourir.

Enfin la poésie pour que LEUR REVOLUTION REUSSISSE

"Deux jours, une nuit" des frères Dardenne

"Marion, Marion ! Magnifique Marion !" aurait déclaré Jean-Claude Brialy s’il avait encore été parmi nous et si Marion Cotillard avait reçu le Prix d’Interprétation Féminine au dernier Festival de Cannes pour le rôle de Sandra. Mais Emily Duquesne l’avait déjà reçu pour son rôle de Rosetta dans le film du même nom qui avait reçu la Palme d’Or en 1999.
Et malgré un sans faute, "Deux Jours, Une Nuit" n’a pas le souffle poétique de "Rosetta".

De "La Môme" à "Deux Jours, Une Nuit", Marion Cotillard sait tenir un rôle lourd de bout en bout, nous confirmant ainsi son génie de comédienne. Pas une faille où s’engouffrer, pas un défaut. Chapeau l’artiste ! 

Sandra est cette ouvrière aux traits tirés, à la peau grise, aux cheveux gras à la teinture cheap, au corps maigre et voûté serré dans un Marcel qui laisse apparaître de disgracieuses bretelles de soutien-gorge. Si nous la mettions, dans la réalité, à une sortie d’usine, nous ne reconnaitrions pas Marion Cotillard.

Nous retrouvons Fabrizio Rongione, acteur fétiche des Dardenne dans le rôle du mari. Admirable lui aussi.

Solwal, fabrique de panneaux solaires, lutte contre la concurrence chinoise qui, envahissant le monde de ses panneaux, a mis à mal toutes les usines européennes. Est-ce l’occasion pour la Sté pour licencier Sandra ? Le prétexte sera que, suite à une dépression nerveuse dont elle sort guérie au bout de trois mois, elle ne serait, selon son patron, pas capable d’exécuter convenablement son travail. Le droit social belge autorise-t’il une telle facilité de licenciement ? En France, ce n’est pas aussi  simple. Chez nous, si le médecin signe la guérison complète du patient, l'employé doit réintégrer son poste. Et même si le médecin reconnait qu’il y aurait quelques séquelles, l’entreprise doit mettre tout en oeuvre pour trouver un poste en adéquation avec l’état de santé de l’ouvrier(e).
Ensuite le patron dira qu'en l'absence de Sandra, le boulot peut-être fait par 16 personnes au lieu de 17. L’histoire de la prime-chantage aux ouvriers contre le licenciement de Sandra apparait un peu surréaliste. Sans doute une spécificité des pratiques sociales belges. En France, une telle situation n’est pas connue. 

Cela pour dire quoi au juste ? Que de projeter ce film en France, donnera à penser, car le spectateur oubliera la Wallonie belge, qu’il est facile dans notre pays de licencier le personnel. Ce qui est rigoureusement faux. Le licenciement chez nous est extrêmement compliqué à mettre en oeuvre car très strictement encadré avec des conditions à remplir contenues dans un Code du Travail, le nôtre, qui est le plus épais voire confus d’Europe.

Et une nouvelle fois un certain public français, plus boboïsant qu’expert en droit du Travail s’en prendra au capitalisme que l’on chargera une nouvelle fois de tous les maux. 

Donc ce qui semblerait juste en Belgique est faux en France.
Le droit européen du travail a encore du chemin à faire pour être convergent, en suivant l'argument du syndicat le plus disant, cela va de soit.
Sans partir dans une glose économique détaillée, il est à souligner que si les avancées sociales apparaissent justifiées tout au long du XIXème siècle jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, celles qui sortiront du gouvernement provisoire de la République Française entre 1944 et 1946, à majorité communiste, enfermeront notre économie nationale dans un carcan tel que, dans notre situation actuelle de crise, il est impossible de réformer quoi que ce soit. Nous le voyons tous les jours avec les files de chômeurs qui s’allongent inexorablement et les entreprises qui refusent d’embaucher à cause de la complexité à gérer leur personnel appelé aussi improprement "ressources humaines".
Juste une précision qui ne fait pas rire compte tenu du désastre mondial que le communisme a entraîné, Karl Marx a écrit le Capital sans jamais autopsier la moindre usine. Son essai est écrit à partir d’autres essais. Il n’est jamais sorti de son bureau. 
De même pendant notre Révolution de 68, notre Jean-Paul Sartre, pipe à la bouche, distribuait des tracts (ou flyers) anti-capitalistes à la porte des usines Renault de Billancourt, sans jamais être entré dans l’usine ni savoir comment fonctionne une machine-outils. A l’époque le bonhomme faisait bien rire les ouvriers. Moi, il m’avait profondément choqué, tout comme ses livres qui m’ont toujours ennuyés.

Sans une refondation sociale sérieuse et porteuse de croissance, il y a de fortes chances que nos cinéastes "sociaux" puissent pendant quelques années encore filmer de telles tragédies.

Il faut profiter de voir ces films car ce monde ouvrier disparaît d’année en année, la production industrielle ne représentant plus en France que 12% de l’économie nationale.  

Mais si refondation sociale il y a un jour, laissons les philosophes et autres penseurs macro dans leur chambre.

Si le capitalisme semble être devenu une bête immonde, le droit social français s’est pour sa part transformé en un piège dangereux dans lequel le premier ne veut pas se prendre. 
  
Mais reconnaissons aux frères Dardenne un talent indéniable à décrire un environnement ouvrier sans pathos inutile. 
Il ont bien mérité les ★★★★★ que tous les critiques leurs ont octroyé

dimanche 25 mai 2014

"La vrai vie de Kevin" de Baptiste Rossi

Si vous avez envie de rire d'une certaine frénésie absurde du monde télévisuel actuel et aussi de nous-mêmes qui sommes après tout à la fois acteurs et consommateurs de ces divertissements, il faut lire ce livre.

Si vous avez envie d'entrer dans la littérature d'un jeune auteur très prometteur qui, après avoir sondé
au stéthoscope la respiration de son époque, restitue au flux près les battements d'un certain comportement humain, et ce d'une écriture alerte, résolument contemporaine, alors vous avez une double raison de lire ce livre.

Par contre si vous êtes accros à la télé-réalité et à M6 en particulier, alors, vous n'aimerez pas ce bouquin car vous aurez l'impression que Baptiste Rossi se paie votre tête.

L'histoire: Antoine Soro, le beau gosse, et Michàlis, le Grec, réalisent et co-produisent sur la chaîne TF2 "l'expérience d'une chaîne, la chaîne des nouvelles expériences" l'émission "La vrai vie de Kevin".

"Etre une star avant le Bac" et "On a échangé nos cancers" sont de brillantes émissions réalisées précédemment par Antoine qui ont connu un immense succès. Antoine, toujours à la recherche d'un Xanax®, éclusant force vodka fraise-goyave dans lesquels il noie des macarons à l'hibiscus rose, veut pouvoir dire dès qu'il tient son sujet "I get the stuff ! Sky is the limit !" Leur objectif à tous les deux est de faire exploser l'audimat en lançant cette nouvelle télé-réalité qui met en scène un garçon, Kevin, issu d'un père désenchanté qui se retrouvera au chômage, et d'une mère perpétuellement sous Lexomil®, vulgaire mais aimante. Peu concerné par les études, Kevin est accro à la manette de jeux vidéo et branché en permanence à Facebook. Il vit l'instant, un instant qu'il ne comprend pas mais qui le pousse en avant vers une direction inconnue.

Une règle selon Michàlis " Amuser, divertir, émouvoir !" Pour mettre en scène le "triple A" réclamé par le public "Amour, Argent, Admiration"

Si vous avez aimé "Loft Story" vous raffolerez de "La vrai vie de Kevin". Si vous avez oublié Loanna et Christophe, vous plongerez avec délice ou peut-être effroi dans celles de Kevin, Brandon, Cindy et Jessica. Oui, oui, ils sont bien français et vous ne regardez pas une série américaine.

Bien que l'auteur prend le partie de la dérision - mais dans une version tendre -, il nous invite aussi à réfléchir sur un certain mode de divertissement qui semblerait conduire à un abêtissement profond d'une partie de la population.

Nous évoluons dans la civilisation du jeu, de l'amusement, où le spectateur est pris pour un con - sans doute l'est-il après tout ! -, une civilisation née de l'ennui et du désenchantement où les liquidités monétaires dans leur folle rotation autour du globe, ne sachant plus dans quels secteurs s'investir, se retrouvent parfois recyclées dans ces télé-réalités qui rapportent beaucoup par les énormes recettes publicitaires qu'elles drainent. " Alors Antoine, ton émission, c'est culte, ça fait le buzz, c'est clair, y a quinze millions de téléspectateurs chaque soir... You are the King !" Ça en fait des tubes de dentifrice "New smile" vendus chaque jour !

Pas de business-télé-réalité sans le sport et quand il est de masse, il participe de cet abrutissement. Kevin ou d'autres consultent sur leur Iphone l'Equipe.fr pour les résultats sportifs "Manchester vers le titre, Arsenal, la série noire, Tsonga éliminé en quarts, etc." L'Equipe, le seul journal-papier à gagner de l'argent, le journal des cadres en gris dans l'avion de 6h45 am pour Paris-Orly, le journal qui sépare, au bureau, ceux qui le lisent (ou bien sans le lire qui le laissent bien en vue ) et qui montent dans la hiérarchie et ceux qui ne le lisent pas dont la position stagne, ce journal qui unit, autour de la machine à café, les garçons dans des commentaires nerveux ou contrariés sur le jeu de tel ou tel footballeur dont ils connaissent les noms bien-sûr.

Les téléspectateurs veulent être "téléspect-acteurs" de cette émission. Etre "powerful". Il leurs est proposé de voter en permanence, par exemple pour la coiffure de Kevin, pour la couleur parme de son pull, pour son tee-shirt "I love quelque chose". Mais personne ne s'aperçoit de la débilité du jeu et tout le monde s'excite à jouer et voter avec le fameux "tu as une minute pour décider !" Et puis du sexe, bien sûr ! Il est demandé au public de voter "Veux-tu qu'Alice fasse une surprise à Kevin ? Une minute pour voter, au 3689 !" Ou bien mettant en jeu, Jessica, la soeur de Kevin "Décide toi aussi si tu souhaites une histoire entre Brandon et Jessica ! 3689, tape Brandon + Jessica !"

Et Kevin, généralement dépassé par les évènements lance son fameux leitmotiv à presque tous les chapitres "La vie est compliquée, n'empêche !"
Cette brillante affirmation me rappelle un imbécile qui concluait ses démonstrations intellectuelles primaires d'un tonitruant "La vie est un dur combat, mais le tout est de le gagner !". Heureusement qu'il a vite trouvé quelqu'un pour lui mettre une cuillère en or dans la bouche ce qui lui a évité d'avoir à combattre.

Et on gagne du fric dans cette émission. L'acteur qui se fait virer par le vote du public, reçoit une prime de 4000 €.

A quand la programmation de l'émission "A quoi ça sert d'être intelligent en 2014 ?"

Régulièrement tout au long du livre, Facebook, tel un compteur, annonce ses messages d'amour et d'amitié "Toni Benzetti est maintenant ami avec François Lapeyre". Vous rendez-vous compte de l'énorme saut de productivité atteint dans le secteur de l'Amitié : un simple clic et ce sont quelques 2534 "amis" qui apparaissent sur l'Ipad de mon pote (mdr) ?
Plus complexe: "Paul Grimbert aime votre commentaire sur la vidéo postée par Jacques Antoine sur le mur de Sophie Challe ! " Si on n'est pas ami avec ça !

Les pensées de Kevin, qui s'enchevêtrent, cahotent, tournent, se noient, toussent, éructent, éclatent au son d'une mitrailleuse imaginaire dans un col du côté de Kandahar, pensées incohérentes et multicolores, folles et meurtrière, dans la fumée de haschich. "Labelle des opiacés, flanelle du haschich, temples éboulés". L'illusion est le réel. Le temps disparaît. Fuyons et poursuivons, avec le monomaniaque Achab de Melville, Moby Dick, baleine blanche imaginaire surgie des gouffres océaniques glacés, sa folie surfant sur les vagues rugissantes. Baptiste Rossi a bien choisi son auteur de référence. Il aurait pu ajouter Cervantés dont nous sommes tous les enfants.
"Ouais, la vie est compliquée"

Comment terminer une histoire qui s'emballe, où tous les protagonistes deviennent fous ou dépressifs, l'un essayant de se tuer - mais sans conviction-, l'autre de tuer - il réussira.
Et si le héros mourrait ? Ne serait-ce pas une belle idée, ça, pensera Baptiste Rossi acteur-auteur. Tolstoï, Shakespeare, Balzac, le font. On finit ainsi un livre en beauté. Et notre Kevin, héros minable, pourrait devenir ce demi-dieu grec au corps huilé, aux pectoraux bombés, aux cheveux noirs bouclés qui ira retrouver sa famille sur l'Olympe. Un triomphe ! On en parlera longtemps dans les chaumières: "Il y avait sur la terre, dans un temps lointains de misère morale et de Facebook, un jeune homme dont les rêves ouatés...!"

La Loanna de Loft Story fera plusieurs TS.

"C'est triste, man !"

"La vie, c'est compliquée"













dimanche 11 mai 2014

"Au nom du fils" de Vincent Lannoo

La première réaction aux scènes de ce film a souvent été d'éclater de rire tellement les situations sont grotesques et absurdes.

Vincent Lanoo s'attaque à la pédophilie au sein de l'église chrétienne que trop souvent la haute autorité ecclésiastique dissimule, couvre ou bien minimise lorsque un scandale éclate comme il y a quelques temps aux USA.
Précisons pour relativiser que cette perversion sexuelle n'est certainement pas l'apanage exclusif d'un certain clergé mais aussi de toutes les institutions à caractère non religieux, collèges, colonies de vacances,etc. qui s'occupent d'enfants
Le mariage des prêtres, même s'il est à souhaiter pour des considérations humaines évidentes, ne résoudra pas ce grave problème.

Dans le film, Elisabeth, croyante convaincue qui anime une émission religieuse sur Radio Cato, a un fils qui entretient une relation, alors qu'il n'a que 14 ans, avec un curé, adipeux et flasque, nommé Achille.  Ce fils, Jean-Charles, honteux de son acte, se suicide au fusil de chasse devant sa mère. Dès lors, persuadée qu'elle doit punir et que Dieu guide sa main, elle tue au pistolet les curés soupçonnés de pédophilie dont elle s'est procuré la liste.

Au delà de la dénonciation de cette perversion, il y a une critique acerbe mais juste d'une certaine phraséologie utilisée par l'Eglise pour animer la foi des croyants. Messages souvent absurdes qui mènent parfois à l'intolérance tels les groupements religieux Civitas, Dies Irae, Fraternité Saint Pie-X, et/ou à la violence tels les groupements para-militaires que l'on a vu à l'oeuvre dans le film s'acharnant à coup de mitraillette contre des effigies de Ben Laden. Ces groupements malheureusement existent et ont participé dernièrement aux manifestions contre le Mariage pour Tous. Il y a quelques années, ils faisaient des coups de force contre les manifestations pour le droit à l'avortement.

Par ailleurs, ces groupes ne le disent pas clairement mais leur racisme est patent, contre les noirs, contre les arabes, contre les gitans et les roms qui seraient responsables des maux actuels en France. Ils serait dangereux de minimiser l'influence de ces groupements, qui attendent, mis en sommeil, que des politiques du genre FN gagnent quelques élections significatives pour pouvoir surgir et demander un morceau de ce pouvoir. Le FN a beau clamer que ces groupes ne font pas partie de son mouvement, c'est faux, archi-faux. Ils pensent tous de la même manière. Il n'y a que les mots qui diffèrent un peu. La journaliste-essayiste, Caroline Fourest, décrit brillamment ces groupements, leurs idées et leurs actions dans ses nombreux livres (voir mon post sur Inna).

Le film dénonce aussi le concept de Loi Naturelle qui exprime la volonté de Dieu. Elle est unique et défie le temps. Elle ne change pas. Dans le film, les croyants doivent se soumettre à cette Loi ainsi qu'à tous les phénomènes qui en découlent et que l'on ne doit pas chercher à comprendre. Plus précisément, cette Loi s'oppose fermement à l'acceptation de l'homosexualité, puisque la loi naturelle a présidé à la création de l'homme et la femme pour qu'ils s'unissent et enfantent.

Ce film, c'est effectivement du gros calibre avec Elisabeth en "tonton flingeur sous le soleil de satan" mais il a le mérite de pointer du doigt ces terribles déviations de nos sociétés

Je suppose que ce film sera très critiqué par les milieux chrétiens et que les exploitants de salles de cinéma ne feront pas de zèle pour programmer ce film, tellement ils craignent de possibles manifestations violentes d'activistes pro-chrétiens.

Parfois l'outrance est nécessaire pour faire passer des idées.

Les Droits de l'Homme sont nés de la Révolution Française et cela n'a pas été une simple promenade bucolique. 






samedi 10 mai 2014

"Comment lui expliquer que c'est mieux que l'amour !" de Geka Nikolaevich Mnemosine

Sortant du métro à la station Komsomolskaïa, il se dirige vers la rue Mazhar-Rimski. 
Il est 10h00 quand il sonne.
Par l'interphone, elle lui répond qu'elle n'est pas disponible pour le recevoir. Encore en pyjama, lui dit-elle ! Il ne voit pas où est le problème. Un pyjama c'est un vêtement qui couvre des pieds à la tête. La tenue est correcte. C'est souvent joli, avec des petits desseins naïfs, de ceux qui favorisent le sommeil et les rêves.  C'est vrai qu'assise dans un fauteuil, les jambes croisées, avec un long fume-cigarettes en nacre,  buvant un café du Costa Rica dans une tasse en Minton, c'est plus chic ! Il y a aussi des vêtements de jour qui ressemblent à des pyjamas. Il ne lui dit pas. Il insiste pour venir boire un thé. Il est prêt à attendre. Non vraiment, elle ne peut pas et elle doit partir à Saint-Petersbourg.
Il aurait du la prévenir avant, car il était sûr de cette réponse négative, s'engluant dans son insistance, please, ouvre-moi ! Peut-être aurait-il du couvrir sa main de farine pour montrer patte blanche ou lancer un "un paquet pour vous, il faut venir signer !"
Un peu après, il lui téléphone, s'enfonçant encore plus profondément dans un marécage de justifications sur la messagerie "T'inquiète pas, c'est pas ce que tu crois...!" Là, il devient parano. Elle ne croit rien, sans doute ! Elle est en pyjama et elle doit partir ! C'est tout !
Elle lui dit "un autre moment !" Il se pend à cette branche pour une prochaine fois...

Quinze jours avant, il lui a proposé d'aller au cinéma. Impossible, elle partait pour Kazan! Malchance ! A la question "quand rentres-tu ?" Silence ! 
Cette fois là, il s'était planté car il avait oublié qu'il devait dîner ce même soir avec son directeur général venu expressément de Houston. Un sms le lui a rappelé. Ouf ! Mais il devrait faire attention car ça lui arrive souvent de faire l'acrobate.

Peut-être aurait-elle lu des écrits de lui le montrant comme un personnage ambigu. Il faut qu'il se méfie de ce qu'il écrit à une personne qu'il apprécie, pensa-t'il ! Parfois il est trop direct, trop intime, brisant trop vite la bulle.

En résumé, sonner, ça ne marche pas, le sms non plus, le téléphone, c'est la messagerie qui répond. Il reste le message par porteur spécial, la carte postale, le pigeon voyageur.

Les fleurs ! Il devrait essayer les fleurs avec un message codé ! Genre jeu de piste qu'elle suivrait pour arriver dans un endroit calme, ce café géorgien où il a ses habitudes. Ils bavarderaient et riraient en buvant du thé assis dans de grands fauteuils profonds.

Passer à son travail ? Deux fois il a essayé ! Les collègues autour sont dérangées et soudain quelqu'un vient pour dire qu'elle a du travail et qu'elle n'a pas a bavarder.

Sa femme, il l'aime. Il faudrait qu'il lui avoue qu'il veut entretenir une relation intellectuelle avec cette jeune fille. Et que sa femme accepte. C'est pas gagné !
Pour lui dire quoi à cette jeune femme ? C'est tellement étrange ce qu'il a à lui dire. Il veut bavarder avec elle. Mais surtout l'écouter, entendre la sonorités des mots qu'elle prononce et son rire cristallin. Elle semble connaître le sens et le contre-sens de tous les mots. Pour lui, c'est un pur délice !
Quand il pense à elle, il ne la voit pas physiquement. Les yeux, oui ! Le regard, très mobile. Les mains, oui. Les pieds, aussi ! Il aime ses pieds. Mais surtout les mots et le rire. De rire d'un sujet grave, d'être sérieux pour un sujet drôle ! Elle est vive, saisit un trait avec fulgurance, répond et fait courir le propos très loin.
Il aime ça !

Ne cherchez pas l'auteur, il n'est pas encore publié. Il m'a envoyé son écrit pour que je lui donne mon sentiment. Il m'a beaucoup amusé avec son récit qui est une amitié entre une jeune fille et un homme d'âge mûr qui aime discuter, tordre les mots, bâtir des histoires absurdes, des fictions amoureuses. Il aime rire et il est fasciné par ses mots à elle, à sa façon qu'elle a de s'exprimer. Il veut la voir et l'entendre. Mais elle est insaisissable, a  toujours quelque chose à faire ou bien un rendez-vous urgent, un voyage,... Alors il invente mille stratagèmes les plus sophistiqués, les plus loufoques aussi, pour l'approcher. 
Va-t'il réussir ? Il faut préciser que notre héros a un agenda très mal tenu ce qui donnera une série de quiproquos réjouissants dans une aventure qui nous mène de Moscou à Londres, puis à Houston, Rome à Guangzhou, enfin Paris.






"Enfin" de Paul Andreu


Elle, seule, ses souvenirs enfermés entre les murs de son quartier. Elle les
accroche au murs des immeubles qu'elle longe chaque jour. Seul moyen mnémotechnique qu'elle ait trouvé. Peu à peu, sans qu'elle comprenne bien pourquoi, son passé s'échappe de son esprit. Le présent ne s’y accroche pas non plus.

Lui, seul, l'ancien taulard, libéré des quatre murs de sa cellule pour s'enfermer dans les pages des livres. Ainsi, prisonnier à nouveau pour ne pas être confronté à ce réel mouvant et incertain qui n'a pas les contours prévisibles de la fiction.

"Puis-je vous aider, madame"  lui demande t’il alors qu’elle a un malaise dans la rue. 
C'est l'instant du "kairos".
"je me suis dis qu'il n'était pas si mal, ce type" pensa-t’elle quand assise au Café des Amants elle le vit passer dans la rue.
"Elle avait de l’allure"  pensa-t’il alors qu’il la vit au loin rentrer chez elle.

Après les multiples "oh, excusez-moi !" "Je ne veux pas vous déranger !" "Je peux rentrer toute seule maintenant !" "Je vous demande  pardon !" "Oh, mais je vous en prie !" "Pardon de vous recevoir si mal !" "Je ne vous importunerai pas plus longtemps" qui jalonnent leurs premières rencontres, comme deux bulles qui ont peur d’éclater en se touchant, ils arrivent enfin à s’ouvrir l’un à l’autre. Prudemment pour lui, qui tient serrée ses sentiments au plus profond de lui. Sans retenue pour elle, ses maris, ses amants, mais les souvenirs sortent mal, un peu à l’envers, mélangés, non chronologiques. 
Ils avancent doucement. Il s’occupera d’elle. Il l’a soigne. Il l’écoute. Il recompose la trame de ses histoires avec les bribes décousus qu’elle lui lance. 

Il sort peu à peu de ses livres. Elle décroche ses souvenirs des murs des immeubles.

Ils se rencontrent souvent, se promènent, s’assoient au café "des Amants", parlent et parlent encore ! Longtemps ! Aussi souvent que possible !

Un jour, leur corps qui s’étendent l’un à côté de l’autre, puis l’un contre l’autre. Peaux nues des corps nus. Un seul souvenir est resté intact en elle: celui du corps et du désir de ce corps. Le sien est ridé, mais tendre et tendu de désir. "la femme qui est dans mon lit, n'a plus vingt ans depuis longtemps..." Les paroles de Serge Reggiani résonnent dans ma tête. Son corps vieilli, lassé et usé mais qui sait du désir, qui veut se rappeler son corps jeune, plein et tendu, qui ne connaissait que le désordre amoureux. 
Lui, c’est un corps qui enlace, qui la calme. Il veut qu’elle dorme, qu’elle oublie ce dos qui la fait horriblement souffrir.

"La vérité n'est pas dans la partition, mais dans son interprétation, avait dit son oncle à elle, violoniste". 

Puis ce voyage en Suisse, vers la ferme où elle a passé un temps de sa vie. Le pont au dessus de la rivière, tout en bas. Ils montent sur le parapet. 
Le vide les entraîne.
"Ce fut lui qui donna l’élan. Le bruit de l’air se mêla à celui de l’eau qui se rapprochait enfin"

Heinrich von Kleist, grand auteur allemand, emmena sa fiancée au bord du Wansee, lac des environs de Berlin. Il tira une balle en plein coeur de sa compagne, puis retournant l’arme dans sa bouche, tira.

Ils ont mieux su mourir que vivre. 


C'est Anne qui m'a fait découvrir ce merveilleux auteur que j'aurai zappé chez Mollat si elle n'en avait pas parlé. Paul Andreu est aussi cet architecte qui a conçu de nombreux aéroports à travers le monde dont celui de Paris-Charles-de-Gaulle que j'arpente si souvent.
On lui doit aussi le magnifique Opéra de Pékin que j'irai voir lors d'un prochain voyage dans cette ville.


jeudi 8 mai 2014

"Last Days in Summer" de Jason Reitman VO

Vous avez adoré "Sur la Route de Madison", vous aimerez "Last Days in Summer". Frank /Josh Brolin n’est pas Clint Eastwood, mais il assure très bien son rôle de criminel en cavale qui se réfugie chez Adèle le temps que la police perde sa trace. D'abord apeurée et méfiante, Adèle, merveilleusement interprétée par Kate Winslet, s’habitue à la présence de cet individu et prend confiance en lui. La romance commence ! Une vrai romance US avec tous les trucs et recettes de cinéma d'amour américain que l'on connait par coeur mais que j’aime. Une femme, au corps généreux, qui élève, seule son fils, Henry, dans une maison en bois déglinguée. Lui, un homme aux muscles puissants, entre GI et bûcheron, tout en violence contenue, mais d'une douceur exquise qui sait tout faire, même repasser et confectionner des peach pies dans une danse sensuelle à quatre mains qui va achever de conquérir le coeur de la belle. 
Il essaiera de justifier avec trois mots difficiles à articuler que la mort de sa femme n’est pas due au meurtre dont on l’accuse, mais à une chute, sa tête ayant violemment cognée contre le radiateur. Un peu comme l’homicide involontaire de Marie Trintignant par Bertrand Cantat.
Adèle apprend à aimer cet homme dont elle excuse le passé. Quant à Henry, son amour filial basculera de son père biologique vers Frank.

Si la morale de l’amour absout le crime de Frank, la morale des hommes lui fera purger 25 ans de prison au cours desquels son amour pour Adèle grandira.
La musique a été finement choisie pour accompagner les gestes et les regards. 
Tout est lent et doux, douloureux et romantique avec les couleurs MGM du grand cinéma américain.


mardi 6 mai 2014

"D'une vie à l'autre" de Georg Mass - VO

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Katrine/Juliane Köhler est née de l’union d'une mère norvégienne avec un officier allemand. Pour éviter que sa mère subisse des représailles, elle est placée dans un orphelinat pour enfants aryens en Allemagne dans le cadre de la politique nazie du "Lebensborn". A la fin de la guerre, Katrine, après des recherches, trouve qui est sa mère, Ese Evensen/Liv Ullmann et où elle vit. Parce que nous sommes en RDA où la liberté est limitée, elle n’aura d’autre solution que de s’échapper pour gagner la Norvège. Redevenue norvégienne, elle coule une vie agréable entre son mari, Bjarte Myrdal/Sven Nordin, sa fille et sa petite-fille. 
Jusqu'au jour où d’autres enfants au même parcours que le sien poursuivrons en justice le gouvernement norvégien pour sa collaboration avec l’Allemagne nazie et demanderons réparation. 
Un avocat s’intéresse particulièrement à Katrine et s’interroge sur ses hésitations au cours de ses témoignages au procès. Ce qu’il va découvrir est terrifiant et va bouleverser la vie paisible de cette famille.

On entre difficilement dans ce thriller. Nous sommes en 1990. Le Mur de Berlin est tombé en novembre 1989, et les deux Allemagnes sont réunies en octobre 1990. Au début, on ne comprend pas bien pourquoi Katrine va en Allemagne, change de physique pour rencontrer certaines personnes et rechercher certaines informations. Progressivement, on découvre que ces personnes rencontrées sont des anciens de la Stasi, la police politique de la RDA et que ses recherches portent sur l’infirmière qui s’est occupée d’elle à l’orphelinat.

Le film se déroule entre espions de la Stasi, l’OTAN espionnée, une mère qui ne veut plus parler du passé, une Katrine qui s’enferme dans le mutisme, son mari qui doute,  jusqu’au dénouement où la vérité éclate due à l’investigation opiniâtre d’un avocat.

Toute l’énigme est dans le titre "D’une vie à l’autre". Entre "vie" et "autre" surgira un mensonge terrible qui brisera des vies.

La dictature et la guerre ont fait du mensonge la vérité, la démocratie et la paix révèlent la vérité en dénonçant le mensonge. 

Le réalisateur a brillamment mené l'action et a bien su recréer cet ambiance paranoïaque de l'espionnage dans le monde stalinien. Les acteurs ont été excellents. Liv Ullmann est étonnante de vérité. Juliane Köhler passe du personnage de Katrine à celui de Vera le plus naturellement du monde. 
Par contre, Georg Mass a un peu exagéré les villes déglinguées et jaunâtres de l'ex-RDA et la sobriété gris métallique de la Norvège. Les couleurs des ces deux pays sont plus subtiles et d'y être ne provoque pas forcément l'angoisse du film. Mais bon, c'est pour sans doute augmenter le suspense !
A par cela, le film est superbe.

A voir absolument




lundi 5 mai 2014

Les Mots Bleus café "littéraire" à Bordeaux

C'est un café situé à l'angle de la rue de Ruat et de la rue Poquelin Molière. 
Nous y entrons A. et moi-même. 
Nous sommes les seuls clients à 15h00 ce dimanche 4 mai 2014.

L'endroit n'est pas désagréable, mais manque un peu de chaleur pour en faire vraiment un lieu qui donne envie de lire et discuter de livres.
Sur Internet, Cityvox présente ce lieu comme un café-salon de thé bourgeois-bohéme "niché" au coeur de Bordeaux. Avec bourgeois, ça part mal ! Il faudrait plutôt du trublion, du dérangeant, de l'original sinon c'est l'ennui garanti !
Quant à "bohème", le lieu ne sent pas l'exotisme, ni la nonchalance intello. Il ne sent rien en fait !

Le mobilier est un peu austère et la couleur manque. On rêve de larges fauteuils et de canapés profonds dans lesquels les corps "s'avachissent" (là, c'est Groody qui l'a suggéré),  avec des coussins un peu élimés, genre indien, rouges et dorés, peut-être aussi au sol quelques Kilim aux teintes passées.
Un peu de désorde, de l'usure, de la peinture écaillée au mur, avec des livres épars sur les tables basses, aux murs des tableaux et des peintures branchés, quelques photos d'écrivains(es) aux yeux pensifs, en noir et blanc bien-sûr et dédicacées, des lumières qui rendent intelligents,...Avec, puisque le café est dans la rue qui porte son nom, un Molière ,un buste imposant par exemple que les clients salueront en entrant. Le grand Molière sans lequel la Comédie Française n'aurait jamais existé ou subsisté jusqu'à nos jours!
Et aussi, un coin pour comploter ! Un autre pour aimer ! C'est important !

Un décor, une mise en scène, quoi ! Pour faire un endroit qui ne s'arrête jamais, un endroit où on entre et on sort, un endroit où les réputations littéraires locales se font et se défont, un endroit où on est connu !

Avec de la dérision car le rire est ce qui fait parler sérieusement !

Juste devant l'entrée, le comptoir. Sur le dessus, des pâtisseries qui ont l'air appétissantes. Derrières deux jeunes femmes qui font le service. Les questions que je pose ne soulèvent pas leur enthousiasme littéraire.
A la question "Quand ont lieu les réunions littéraires ?" Réponse: "Un jeudi par mois, de 18h00 à 19h00 et parfois 19h30". En 1h30, on peut débattre du titre du livre, pas plus ! Les filles me regardent l'air étonné de mon étonnement !
Pas de nocturnes donc ! Et puis quoi encore! Oh ! Excusez-moi !
Et un jeudi par mois, il ne faut pas se tromper dans le choix du bouquin !
L'auteur sera là, bien-sûr ! Qui devra regarder sa montre, angoissé,  pour savoir combien de temps il lui restera après son speach pour vendre son livre.
18h00, c'est une heure pour les retraités, les chômeurs et les rentiers.

Après 19h00 - 19h30, fermeture.

J'ai risqué une dernière question: "Y-aurait-il des blogueurs littéraires qui fréquentent le café ?" A l'auréole de points d'interrogation qui s'est formée autour de la tête des filles, j'ai compris que ma demande n'était pas la bonne.

Sur le comptoir, je prend un flyer qui informe qu'une fois par mois une conférence est donnée par un éminent professeur de l'université de Bordeaux.
Le 10 avril dernier, le titre de la conférence était "Quand l'activité cérébrale permet d'interagir avec un ordinateur. De la science fiction à la réalité."
Ouh là là ! Après une journée de chiffres et d'études sur la mécanique des fluides, se taper ce genre de truc, autant aller au cinéma ou au théâtre.
Je comprends pourquoi il n'y a pas de canapés pour "s'avachir", il y aurait un risque certain d'endormissement de l'assistance.

Le café devrait changer le nom "Les Mots Bleus" en "Les Mots Brefs"


dimanche 4 mai 2014

"Kaputt" et "La Peau" de Curzio Malaparte

Dans "Kaputt", publié en 1943, Malaparte raconte sa guerre à l'Est avec les armées allemandes, l'Italie étant l'alliée à l'Allemagne nazie.
Quelque part sur le front, Un officier de la Wehrmacht décide de fusiller un garçon-soldat ukrainien. Il se ravise et veut lui laisser une chance d'avoir la vie sauve. Il lui dit "Si tu peux me dire tout de suite, sans réfléchir, lequel de mes deux yeux est celui en verre, je te laisse partir" L'enfant désigne l'oeil en verre sans hésitation. "Comment as-tu fait pour t'en apercevoir ? " Lui demande l'officier. "Parce que des deux, c'est le seul qui ait une expression humaine"
Tout Malaparte est là, dans cette phrase, violente, cynique. Il extirpe le marécage du tréfonds de l'âme humaine. Il écrit ce que l'on n'attend pas. Il dit ce que personne ne veut entendre. 
Il peut ainsi passer de l'horreur au conte féérique. "Qu'advint-il ensuite de l'enfant ukrainien ?" Lui demande au cours d'un dîner Louise de Prusse, petite-fille de l'empereur Guillaume II. "L'officier l'a embrassé sur les deux joues, l'a vêtu d'or et d'argent, et, faisant venir une berline royale tirée par huit chevaux blancs, escortés de cent cuirassiers éblouissants, il a invité ce garçon à Berlin où Hitler l'a reçu comme le fils d'un roi, aux acclamations de la foule, et lui a donné sa fille en mariage" 
A-t'il raconté cette histoire à la princesse ? Sans-doute ! C'est mieux que dire que l'enfant est reparti emmitouflé dans des guenilles sous la neige par -30°C. La guerre à l'Est a été une barbarie telle, que la raconter a été impossible par ceux qui en ont été les acteurs. L'Europe est détruite en 1945. Pas de mots pour exprimer l'horreur, car seul le corps participe à la guerre, l'esprit, lui, s'arrête de penser et ne comprend rien. Chacun est rentré chez soi et s'est enfermé dans le mutisme. Malaparte lui,  a conté un rêve, car la princesse n'aurait pas compris l'inimaginable, l'insoutenable. Alors arrivent le carrosse avec les fées !  
 "Kaputt" a donné à Malaparte la notoriété internationale

En 1949, "La Peau" le comptera définitivement parmi les grands écrivains du XXème siècle. L'oeuvre raconte la misère de la paix après l'horreur de la guerre décrite dans "Kaputt". Il est officier de liaison auprès de l'armée US. Progressivement, il a honte pour son pays, berceau de la civilisation occidentale, qui doit se prosterner devant les libérateurs, ces américains incultes qui envahissent son pays sans ménagement pour ses habitants. Ils sont grossiers, passent leur temps à chercher des vierges à "baiser". Aux USA, il leur a été dit que les italiens étaient des sous-développés et les ont traités comme tels. 

"On croit lutter et souffrir pour son âme, mais en réalité on lutte et on souffre pour sa peau. Tout le reste ne compte pas"

L'action se déroule à Naples, ville en partie détruite par les bombardements américains, ce qui accroit la pauvreté, déjà grande des napolitains, qui sont prêts à tout pour une boîte de corned-beef ou une Lucky Strike, que leurs jettent les soldats US comme s'ils donnaient à manger à des animaux de zoo. 
Dans ce livre, l'obscène côtoie l'atroce, le morbide.
Mais pour Malaparte, le vaincu, dans son dénuement, a plus de dignité que ce vainqueur arrogant. 
Liliana Cavani, connue pour son film "Portier de Nuit" a tourné un magnifique "La Peau" en 1981 qu'il me plairait de revoir surtout pour Marcello Mastroianni qui joue merveilleusement le rôle de l'officier de liaison. 

Curzio Malaparte est un écrivain du fantastique, du baroque. La réalité doit être transformée en passant par les détails les plus hideux et nauséabonds pour aboutir à la révélation de la vérité de l'homme, qu'il juge détestable dans ses grands élans de bonté et d'humanité. Il croit que les grands débats d'idées du siècle, ne sont en fin de compte que des  combats entre deux ou plusieurs individus. Les hommes se déguisent derrière des mots et des concepts qui décideront du sort, souvent mortel, de millions d'hommes et de femmes.
La suite des évènements mondiaux lui donneront raison. 
Homme brillant à l'immense culture, parlant plusieurs langues, il a été dès sa jeunesse à la fois guerrier et écrivain, puis tour à tour journaliste et diplomate. C'est un dandy qui a promené sa mélancolie créatrice à travers l'Europe en guerre et les salons mondains. Ses écrits sont le miroir de sa vie. C'est un provocateur qui pratique l'outrance pour arriver au coeur du problème. 

Curzio Malaparte dérange et maintenant, encore. Il est inclassable. 

C'est une légende.














vendredi 2 mai 2014

"Pas son genre" de Lucas Belvaux



C'est une histoire d'amour !
Une très belle histoire d'amour !
Une authentique histoire !
Un vrai amour !
Elle n'est plus tout à fait cette coiffeuse, il n'est plus tout à fait ce prof. de philo - écrivain
Les mots supplémentaires que je pourrais écrire n'apporteraient rien.
Je veux garder intacte l'émotion!




jeudi 1 mai 2014

"My sweet pepper land" de Hiner Saleem

Il était une fois dans l'East !

En hommage sans doute aux yankees qui ont déversé des millions de US$ pour reconstruire le Kurdistan irakien après les raids opérés par Saddam Hussein, l'hôtel du village s'appelle le"Pepperland".

C'est un film genre western spaghetti que ne désavouerait pas Sergio Leone pour le scénario, ni non plus Ennio Morricone pour la musique, tellement le hang de Govend renvoie à l'harmonica de "l'homme à l'harmonica" dans "Il était une fois dans l'Ouest".

Le film a été tourné au Kurdistan dans le décor naturel grandiose des montagnes de ce pays. Le héros-justicier est intelligent, beau, calme. Ses yeux dorés scrutent et analyse rapidement et ses décisions sont de type "on the spot reactions". C'est Baran/Korkmaz Arslan missioné par le nouveau gouvernement du Kurdistan pour faire appliquer la loi dans cette partie sauvage du pays en bordure de la Turquie et de l'Iran, région soumise au chef local, Aziz Aga/Tarik Akreyi qui cherchera à éliminer Baran, trop curieux de ses trafics en tous genres.

Arrive Govend/Golshifteh Farahani, belle et intelligente jeune femme aux yeux noirs, qui prend son poste d'institutrice dans ce village perdu, assez loin pour échapper à ses frères qui veulent la marier contre son gré à un homme de leur connaissance.

Govern joue réellement et merveilleusement de ce hang, qui contrairement à ce que l'on pourrait penser n'est pas un instrument irakien, mais...suisse, inventé dans les alpages en 2000.

Tarik Akreyi et ses sbires font tout pour que Baran déguerpisse, y compris en voulant chasser Govend qu'ils soupçonnent d'entretenir une liaison avec celui-là.

Le film est plein d'embuscades, de trahisons, de chevauchées sauvages, de coups de mains, de tirs d'AK-47 (La célèbre Kalachnikov, fusil-mitrailleur génial - elle ne s'enraye jamais - inventée par Mikhaïl du même nom mort en 2013)

Baran et Govend tomberont amoureux (on l'a 
très vite compris au début du film). Un bel amour avec deux baisers, le premier, long et fougueux, le second, sensuel et doux. Et la suite plus intime mais qui ne montrera que l'image d'un bonheur parfait.

On souffre pour ces protagoniste qui essayent de sortir leur pays et eux-mêmes de ses coutumes machistes et religieuses ancestrales et qui luttent contre les mafieux des montagnes. 

On rit aussi ! 
Mais certaines scènes de ce film nous donnent à réfléchir sur la récente liberté de cette région autonome de l'Irak et la difficulté qu'elle a à se construire avec toutes les aspirations de beaucoup de ses habitants à sortir de ce carcan moral qu'est la culture traditionnelle.

"My sweet pepper land" est admirablement tourné par un réalisateur qui connait bien le Kurdistan et très bien joué par des acteurs pour la plupart inconnus sauf Golshifteh Farahani, actrice iranienne, qu'il faudra aller voir dans un film à venir  "Eden" et revoir dans "Syngue Sabour, pierre de patience". Quant à Korkmaz Arslan c'est son premier rôle.

Un très bon moment de cinéma.