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vendredi 30 mai 2014

"Maïdan" de Sergei Loznitsa

"Vous êtes tous des héros !"

La belle image de ces vieilles dames qui assurent de petites intendances. Il y a celle qui donne des petits pains à manger aux déterreurs de pavés. Il y a celle qui distribue des masques en non-tissé aux combattants partant dans les nuages de gaz anti-émeutes lancées par les berkouts. Il y a celle qui, brandissant la croix devant les policiers, les exhorte à abandonner le combat. Petites dames courageuses, enroulées dans d'épais manteaux, un gros bonnet en laine tricotée enfoncé sur la tête, bravant le froid vif de ces mois d'hiver ukrainien. Elles vont, d'un pas doux, déterminées au milieu des révolutionnaires, murmurant des encouragements. Il y en a sûrement des dizaines de ces vieilles dames que la caméra n'a pas filmées.
Serrons-les très fort contre notre coeur !

La musique
Tous les chants et morceaux du films sont magnifiques. Chants populaires, religieux. Hymne national. Musique rock, pop, rap, et cette musique crée spécialement pour Maïdan
Il doit bien exister un CD quelque part. Je fais confiance à O. pour le trouver.
La musique est partout tout le long du film. Sophie Avon le note dans son bel article qu’elle a écrit dans la "République du Cinéma"

Quant on pense que ces criminels de berkouts ou autres mercenaires ont fait exploser la salle de concert du Conservatoire Tchaikovsky qui se dresse en bordure de cette même place Maïdan, on se dit qu'il y a une absolue nécessité pour l'Ukraine à mener la Révolution jusqu'au bout.

Les combats.
Ils sont très violents et font apparaître notre Mai 68 comme une sortie de copains.

Les combattants sont jeunes, coiffés de tous les casques disponibles, de cycliste, de motard, de snowborder, de l’armée, certains le visage enfoui dans un masque anti-gaz, d’autres cachés derrière un simple foulard. Beaucoup ont des protèges-tibias et des genouillères à cause des coups de barre de fer ou de matraque. Ils courent d’un même élan vers la rangée de berkouts qui eux sont bien équipés, bouclier en fer de protection, casque à visière. Aucun n’hésite ni ne recule de ces jeunes révolutionnaires qui se battent aux milieux des bombes anti-émeutes, assourdissantes ou lacrymogènes, des lances à eau. Ils jettent des pavés, tapent sur les boucliers de berkouts, invectivent, hurlent pour se donner du courage. Derrière pour dynamiser la charge, un bidon résonne des coups régulier d’une batte, boum, boum, boum…
Les berkouts, eux, ont l’air d’avoir peur. Peur de ces jeunes mal habillés et mal armés alors qu’eux sont harnachés et équipés tels des Dark Vador. Ils restent sur place,immobiles, en ligne serrée, se protégeant de leur bouclier.
Mais sur les dernières journées, ils se sont avancés sans peur car armés de fusils tirant à balles réelles. Quelle lâcheté ! Mais qui étaient-ils ces berkouts derrière les visières de leurs casque, des ukrainiens ou bien peut-être des russophiles de l’Est du pays, ou mieux encore des russes de Russie, des russes de Poutine et pour plus de cruauté, des Tchéchènes russophones qui tirent sans hésitation aucune ?
Un premier insurgé tombe à terre. Cette chute, elle est brutale. Un cailloux qui tombe. Rien à voir avec le cinéma qui nous montre des corps qui chutent trop lentement. Sur Maïdan, l’impact de la balle terrasse littéralement le corps. C’est terrible ! On ne veut pas y croire ! Mais ce corps est à terre, inerte ! C’est le premier tué de Maïdan. Puis, ce sera un massacre. 100 autres personnes paieront de leur vie pour la liberté et la démocratie de leur pays.

Ukrainiens et Russes
Ce Président Poutine s’étant approprié la Russie, je ne dirai pas ce que pensent les Russes des évènements ukrainiens puisque cet homme ne les laisse pas s’exprimer ou du moins n’ont-t’ils que le droit de répéter ce que lui, Poutine, dit. Mais j’écrirai ce que le Président russe pense et dit au nom de tous. Il a déclaré que les ukrainiens et les russes sont un même peuple. Curieux non ! Dit-on en Europe que les espagnols et les portugais le sont, bien qu’ayant la même racine linguistique ? Non, bien sûr ! On dit les espagnols d’une part et la portugais d’autre part. Et sans avoir besoin de regarder de très près, on voit assez facilement qu’ils ont entre eux de grosses différences. Eh bien, entre les ukrainiens et les russes, c’est pareil. Ils sont très différents. Pour nous européens de l’Ouest, ce n’est pas évident tellement il nous semble que la langue ukrainienne et russe sont identiques. Ce qui n’est pas le cas car un russe ne comprend pas l’ukrainien alors qu’un ukrainien comprend et parle le russe. Le Président Ianoukovitch, russophone de Donetsk, ne parlait pas la langue ukrainienne, ce qui choquait tant les habitants de ce pays. O. me disait qu’une linguiste russe de sa connaissance prétend que l’ukrainien est une sous-langue du russe. Pas mal le lavage de cerveau !

L’Ukraine est un pays souverain dont les frontières sont garanties par la Mémorandum de Budapest signé en décembre 1994 par de nombreux Etats, dont la Russie. Revenir sur ce traité sous la forme violente que nous connaissons actuellement, n’est-ce pas quelque part une déclaration de guerre de la part de Poutine ?

L’organisation de Maïdan
Maïdan est une ville dans la ville. La caméra montre cette place où le moindre endroit est judicieusement investi et utilisé dans le but d’optimiser la lutte qui de l’avis de tous durera longtemps. Les tentes sont bien alignées le long d’allées larges et commodes. Le podium
est installé de telle manière que le plus grand nombre puisse suivre les discours, les messes religieuses, les concerts de musique. Nous voyons les gens évoluer sans se gêner malgré la violence des combats. Mon post du 26 février « Concerto pour piano et barricades » décrit cette organisation sur Maïdan. Je ne répèterai donc pas mes propos.
Je ne parlerai içi que des barricades dont je n’avais pas mesuré l'ingéniosité. La caméra le montre bien, ces barricades sont montées de telle manière à bloquer efficacement l’avancé des berkouts. Un espace est prévu pour faire brûler les pneus dont la fumée noire est un écran efficace. De lourds véhicules entravent la marche de la police, ne lui laissant souvent qu’une fenêtre étroite pour intervenir. On le voit très nettement, la police n’a pas avancé d’un pouce sauf le jour où elle a commencé à tuer. Alors la partie était devenue inégale. Les insurgés n’avaient pas prévu que les berkouts allaient devenir des assassins.

Gens de Maïdan
Le réalisateur ne les fait ni parler, ni témoigner ou commenter. Et c’est tant mieux ! La caméra suffit ! Parler en plus aurait détruit l’impact et la vérité de l’image. Les insurgés veulent la fin du mensonge et du vol organisé. Ils veulent la liberté et la démocratie. Pas nécessaire d’expliquer. Tout le monde sait de quoi il s’agit. L’idéal est défini, clair et beau. Pas de bavardages ni de gloses inutiles. L’action seule tend maintenant ce peuple jusqu’à la victoire finale.
Nous voyons les gens marcher, aller et venir, de la ville vers Maïdan, de Maïdan vers la ville, approvisionner, préparer des repas, manger, dormir, prier, partir à l’assaut, lancer des pavés ou des cocktails-molotov, des pneus dans les flammes, secourir des blessés, donner à boire, etc. C’est une fourmilière où chacune et chacun joue un rôle précis.
Et ils chantent, beaucoup et souvent.

Sans doute Inna Shevchenko manquait-elle ! Le jour où les droits de cette république ukrainienne seront rétablis, elle pourrait orner le prochain billet de banque dans cette même attitude entraînante de la Marianne de Delacroix poussant en avant les insurgés de 1848 qui ornait nos anciens billets de 100 Frs.

On s’est marié sur Maïdan. On est mort sur Maïdan. Mais sans doute aussi des bébés sont-ils nés sur Maïdan !

Et puis il y a la poésie, toujours et encore, en Ukraine, la poésie qui unit ce peuple pacifique, la poésie qui entremêle les âmes et les coeurs, la poésie pour rire, la poésie pour pleurer, la poésie pour aimer, la poésie pour prier, la poésie pour naître et celle pour mourir.

Enfin la poésie pour que LEUR REVOLUTION REUSSISSE

1 commentaire:

  1. Warten, merci pour cette vérité. Ce texte donne la chair de poule !
    Amitié
    Maryna

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