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dimanche 2 mars 2014

"Bol d'Air" de Serge Joncour

95 pages ! C'est agréable un petit livre ! On l'ouvre à 20h00. On le referme à 21h20. L'auteur a eu la délicatesse de ne pas nous empoisonner avec des descriptions ou des pensées qui allongent les chapitres. 
C'est technique, un petit livre. Donc c'est court ! Ecrire l'essentiel de l'intrigue dans quelques pages. 
Pas facile à écrire un petit livre. C'est un travail que seul un dilettante peut réaliser car par économie, il concentre sa phrase avec les seuls noms, verbes, compléments qui suffisent à décrire un paysage, à exprimer un sentiment ou une idée !
C'est aussi contemporain, un petit livre. Un film, une pièce de théatre, un spectacle durent de 1h30 à 2h00 ! Et tout est dit dans ce temps ! Alors pourquoi un livre ne pourrait-il pas nous offrir la même chose ?
C'est la 1ère fois que je lis un livre aussi petit depuis les classes primaires.

Bol d'Air ! Le titre va bien !


Quand on va à la campagne, c'est pour prendre un bol d'air ! Rien qu'un bol ? Le contenant n'est pas grand ! Comme si l'air venait à manquer ! Sommes-nous devenus si nombreux sur terre qu'il faille contingenter les volumes d'air disponibles à chacun ?
Ou bien notre capacité respiratoire s'est-elle réduite au point que nous ne pouvons prendre qu'un bol ?
Ou bien alors, le temps ! Vite, toujours plus vite ! Zapper heures et minutes. Alors, nous n'avons le temps que pour un bol ! Combien cela prend-il de temps un bol ? 3 secondes ?
Un bol d'air, ça sent l'angoisse, l’exaspération !  
Un être équilibré respire ! Un anxieux prend un bol d'air ! 
Ça peut être thérapeutique ! "Je vous prescris 3 bols d'air, à prendre matin, midi et soir avant chaque repas, pendant 1 semaine!" " Bien docteur !"
Est-ce que ce sera suffisant pour bien oxygéner le sang afin d'assurer son transport dans les tissus ? Pas sûr ! Mais comme un bol d'air, c'est toujours pur, on peut espérer. 

Joncour a écrit un bon petit livre ! Une sorte de nouvelle longue qui raconte le retour d'un homme vers sa famille suite à un désastre professionnel.

Philippe, le fils et héros du roman. Il est ruiné. Il part visiter sa famille espérant trouver là-bas quelque chose qui…. Il ne sait pas très bien quoi après tout !

Le père, retraité agriculteur, (les bobos disent "paysan » depuis qu’ils visitent la Foire Agricole de Paris), barbouilleur à ses heures. Son modèle est russe. 
Est-ce qu'il la peint nue, l'histoire ne le dit pas, mais son oeil ne perd rien des formes de la fille. Hâbleur, avec son copain toubib nostalgique de l'Indo. Il aime la terre et les fougères. Il recherche une complicité avec son fils à base de crottin et de visite d'élevage de chevaux. C'est viril, un cheval. Il y a des relents de Jument Verte.


La mère, épouse du retraité agriculteur , femme d'intérieur, vive et active. Elle aime cuisiner et faire le lit au carré. Et plaquer de gros bisous. Et surtout elle aime s'occuper de ce qui ne la regarde pas et en particulier de ce que son fils Philippe lui cache: sa ruine et son désespoir. Elle se substituera à lui en tout et deviendra sa secrétaire de l'ombre.

Nadège (c'est la russe - curieux prénom pour une russe ! Pourquoi pas Anastasia ou Natalia) se crème la poitrine en passant ses doigts sous le tissu du haut de maillot. C'est très sensuel. Philippe le remarque. Il met son désir en berne et n'en fera rien.
Les russes, elles se marient via une agence internationale, débarquent en France, découvrent après quelques mois de vie commune que la vie est plus drôle à l’extérieur. Et donc foutent le camp. C'est ce qu'a fait Nadège.

Le fils est accueilli comme un fils. Fils prodigue ? Qu'as-tu fait de tes talents (Evangile selon St-Matthieu, chap. 25, versets 14 à 30) ? Joncour ne va pas jusque là !

Philippe va se reposer, écouter son père et sa mère, bricoler et faire quelques travaux des champs. Il va prendre de la distance et essayer de résoudre ses problèmes.

Il y a du scénario dans ce bouquin, une action qui se passerait entre le Cantal, Paris et Deauville.
Et dans l’écriture une vague parenté avec un Michel Audiard qui aurait policé son verbe en restant dans la même couleur.

Quelques bonnes raisons de ne pas retourner chez ses parents quand nous affrontons un gros problème:
- S'ils sont retraités, il y a des chances qu'ils ne comprennent plus rien à l'évolution du monde, genre, " c'était mieux avant ! Laisse tomber" ou bien "Pourquoi tu restes pas, c'est mieux içi ?"
- Ils nous achètent une paire de charentaises;
- Ils nous revoient comme le petit enfant que nous étions: risque de régression grave;
- régression à un point tel que le désir et la sexualité reste enfouis au fond de l'être. En fait on a plus besoin de ces 2 trucs qui n'amènent que désillusion et malheur;
- Si on séjourne trop longtemps, ils nous prennent vite pour un domestique puisque on est logé, nourri et blanchi gratis;
- on est tellement bien qu'on se prend à rêver que les problèmes vont se résoudre comme par enchantement.
Ce qui ne sera pas le cas !

Alors, fuyons la famille ! A toutes jambes ! 
Ou bien, allons la visiter quand on n'a rien a lui demander !

Bon, j'ai été un peu long pour un livre si court, mais j'ai bien aimé la déambulation désabusée-amère de Joncour dans l'âme humaine.









10 commentaires:

  1. Quelle jolie critique ...j'aime ces petits romans qui en disent long...

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  2. On a vraiment envie de lire ce petit opuscule qui sent Marcel Aymé en semble-t-il un peu plus triste ou moins démesuré !!!!

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    1. La Jument, accrochée au mur, nous fait son clin d'oeil !

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  3. Un petit bol d'air melant odeur de tonte fraiche de l airial, conversation aupres d un bon feu de cheminee et un bon poulet au girolles, je crois que j ai bien besoin de ce bol d air ci...
    C est vrai que la mode n est plus aux Memoires d outre tombes mais plutot aux Memoires d outre atlantique!
    Ml

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  4. Je passe a A demain 2 petits livres de marie Hélène Lafon ....

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    1. Ah OK ! Tu en parles dans ton post "Bol d'Air". Je vais rechercher qui est cet écrivain que je ne connais pas !

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    2. http://popcornoreillechien.blogspot.fr/2012/09/les-pays_29.html Certains lui reprochent de s'ecouter ecrire.... moi j'aime!!

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    3. Groody, je lirai ta critique dès que j'aurai terminé le livre !

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  5. Je viens de terminer mon post sur "Les Pays". Maintenant je lis le tien !
    Quelle belle écriture !

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