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mardi 4 février 2014

"Dans les forêts de Sibérie" par Sylvain Tesson


-30°C, en février, une cabane de 3 m x 3 m, un poële à bois, au bord du lac Baïkal (700 km de long, 80 km de large, 1500 m de profondeur) à 150 km du premier village.

Sylvain Tesson réalise un vieux rêve de Robinson pendant 6 mois de février à juillet dans cette cabane au bord du lac. Ce n'est par un ermite qui, immobile et économe, serait indifférent au monde, mais un homme qui veut faire cette expérience de la solitude pour exercer jusqu'à l'exacerbation ses sens que le monde moderne a atrophié. Couper du bois, c'est retourner à une fonction primitive du corps. Bivouaquer, c'est pénétrer dans l'intimité de la terre.  Pêcher, c'est imaginer mille ruses pour subsister.  Parfois Sylvain sort de sa retraite et s'en va visiter Volodia ou Serguei dans d'autres cabanes. On parle peu, les mouvements des yeux sont le langage. On bois beaucoup. Vodka. C'est le rite obligé, le sésame russe pour l'amitié. 

Vivre totalement l'instant. Demain n'est pas un mot sibérien. 

Une fois, il a pensé que "son être aimé" pourrait venir le rejoindre, mais elle le quitte, à distance, en lui laissant un message bref sur son portable-satellite. Elle l'avait déjà quitté dans son coeur avant qu'il parte. L'avait-il compris ? Il ne l'écrit pas. Il aime comme un homme, naïf et brut. Pénélope n'a jamais existé et Ulysse, le superman que tout homme rêverait d'être, non plus. Alors il boit, encore et encore avec ses amis russes, avec ses amis français venus le visiter. Il devient russe. Il n'est pas un héros ! C'est ce qui le rend si attachant !

Dans ce journal qui sera plus tard ce livre, Sylvain Tesson écrit  "l'homme libre possède le temps" Voilà sa grande affaire, ce pour quoi il est venu vivre dans cette cabane: tourner lui-même la roue du temps, égrener les minutes du chapelet des heures, regarder, assis, à travers la fenêtre au delà des montagnes jusqu'à la Bouriatie, longtemps, comme sont capables les russes après avoir fait une révolution, maîtriser le jour,  se lover dans la nature pour suivre son lent déploiement. Mais il peine et le temps se moque de lui et fuit inexorablement. La phrase est courte. Le style parfois saccadé, essoufflé comme si l'auteur courait. Attraper le temps, l'arrêter ne serait ce qu'un court instant. Quand il y parvient, c'est l'apaisement.

Est-il heureux de cette expérience ? Il le prétend ! 

Fin juillet. Retour dans la communauté des humains. Courir à nouveau, oublier le temps ! "La hâte croissante est transmutation du monde en chiffres" Jünger 

Parfois en fin d'après-midi, Natalia et moi, nous parlons du Baïkal. Elle est bouriate. Ses pommettes sont hautes et cirées.Elle attend un enfant. C'est un marqueur du temps !

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