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mardi 3 juin 2014

"Homesman" de Tommy Lee Jones



Contrastes. Ils sont violents dans ce film.
"Territories" de l'Ouest nus et mornes contre un Est joyeux, vert, riche.
Enfer de l'Ouest, pays d'outlaws et de rudes pionniers contre le paradis de l'Est civilisé et organisé.
Contraste entre les deux protagonistes principaux. Mary Bee, sévère, autoritaire, dure à la tâche, méthodiste fervente qui accomplit la mission que Dieu lui a confié sur terre. Elle économise sou par sou pour augmenter son capital. Prière et travail. Max Weber écrira plus tard "Protestantisme et esprit du capitalisme ». .
Mais elle aimerait se marier pour disposer de bras supplémentaires et procréer. Elle voudrait aimer. Mais par son caractère, elle effraie les hommes.
A l’inverse, George Briggs/Tommy Lee Jones est ce vagabond, lonesome cow-boy, chasseur de primes, déserteur de l’armée américaine, qui acceptera pour 300 US$ de seconder Mary Bee dans dans sa folle mission d’emmener trois femmes devenues folles vers leur lieu d'origine, cet Est paradisiaque où elles seront soignées. George est un "rapatrieur" un "homesman". Ce compagnon de voyage est un être rustre et madré. La vie pour lui est simple. Pragmatique, il trouve toujours des solutions à tous les problèmes. Il sait avec peu de mots communiquer avec les folles. Elles ne lâcheront pas cet homme dont elles sentent un langage d’amour dans ses grognements. Avec Mary Bee, une espèce d'affection se crée entre eux. Amour ? En quelque sorte ! Mais difficile à dire.

Il y a un peu de Sancho Pancha en lui qui tempère la témérité donquichotesque de Mary Bee.


Folie. La carrriole des trois folles roule dans ce néant comme la Nef des Fous vogue sans but sur la mer. Jérome Bosch a peint ce tableau pour critiquer la folie des hommes qui vivent hors du sens commun. Mais les plus fous, qui sont-ils dans le film ? Ces trois femmes dans le chariot-cellulaire, ou bien Mary Bee, femme fanatique et forcenée qui mène une lutte inégale contre la solitude, contre la nature, sous le regard du Dieu méthodiste qui envoie en Enfer pour une peccadille ? Elle tentera de se faire aimer de cet homme. Ou bien encore dans cet hôtel bleu au milieu de no where, ces hommes d’affaires, aveuglés par les chimères du business et fous de US$, attendant les investisseurs qui bâtiront une ville autour de cet hôtel ? Scène absurde, surréaliste.
La proximité des fous nous protège de nos élucubrations mentales, renforce notre sagesse et notre envie de vivre.
Les fous sont un marqueur. On devrait les laisser se promener en ville. Les italiens leurs autorisaient la sortie du dimanche. Est-ce toujours le cas ?
La folie s'est emparée de ces trois femmes. La maladie du charbon a décimé les troupeaux, la grêle détruit la moisson, un bébé est jeté vivant dans les toilettes car on ne peut le nourrir. Dieu a envoyé ces calamités pour quelques fautes graves que ces femmes auraient commises.
Je ne sais pas si Dieu guérit la folie, mais je sais que Dieu peut rendre fou.

Western. Mais à l’envers. On est loin de Rio Bravo. Içi pas de John Wayne, calme et sûr, protecteur des faibles, justicier moral dont le colt ne rate jamais la cible. Pas de Angie Dickinson à la fois intrépide et amoureuse. Tommy Lee Jones, qui est le réalisateur de ce film, brise le mythe américain de la Conquête de l’Ouest, présentée comme merveilleuse et civilisatrice. Notre héroïne vit modestement dans une maison au milieu d’une propriété vide d’arbres et loin de tout, terre à bisons plutôt que terre à hommes. Les fermiers, disséminés dans ce vaste Nebraska, habitent des maisons modestes. Le village est également sans cachet. La vie est âpre et dure. La civilisation est loin. Les malades restent sans soin et meurent ou deviennent fous comme ces trois femmes suite à la perte de leur troupeau due à une fièvre fulgurante et suite à la mort de leurs enfants des suite d'une diphtérie. Le dénuement est total.
Içi point de chevaux pour tirer le chariot, mais de fortes mules. Dans le western du mythe, la mule ou l’âne est la monture du mexicain.
Les indiens ne semblent pas sortir d'une réserve pour touristes visitant le site de la bataille de Little Big Horn. Mais les bandits sont méchants.

Beauté. Magnificence des paysages désolés et plats du Nebraska dans lesquels roule le chariot transportant les trois femmes aliénées. Jamais les images de ce long voyage ne provoquent l’ennuie. 
Un arbre apparait soudain. Le regard de Mary Bee Cuddy /Hilary Swank caresse le tronc jusqu'au faîte. "J'aime les arbres" dit-elle
Le vibrato d'une guitare résonne dans l'air cristallin et pur de ces mornes plaines. C'est le privilège de l'air sec que d'amplifier son.
L'équipage roule d'Ouest en Est des Etats-Unis en construction.
On s'extasie devant ces couchers de soleil, panoramiques, largement flammés de rose et de bleu.
Du film "Nebraska" à "Homesman", rien ne finit l'horizon. Tout comme, passé le défilé de Pancorbo, la Castille s'étend en éventail vers ce même infini subtil , comme l’entrée dans les steppes sibériennes. Bleu du ciel. Gris acier de l'horizon. La province du Transval en Afrique du Sud offre ces vastes perspectives, vertes au printemps, brûlées le reste de l'année.

L'infini unifie l'homme. 

2 commentaires:

  1. Bonjour Warten,
    J'aime ton style ! Tu sors vraiment des aphorismes par moment:
    "Je ne sais pas si Dieu guérit la folie, mais je sais que Dieu peut rendre fou." Ca donne envie de découvrir ce film alors que d'habitude les westerns ne m'attirent pas tellement !
    Maryna

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    1. Bonjour Maryna
      Je suis sensible à votre commentaire.
      Ce film est vraiment à voir. Un autre est "Nebraska" un peu dans le même esprit: regarder les Etats-Unis autrement qu'à travers le mythe.
      Bonne journée !
      Amicalement
      Warten

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