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lundi 9 juin 2014

"L'Oural en plein coeur" d'Astrid Wendlandt

Elle est mignonne la petite Astrid ! Mais elle nous a un peu berné avec son livre. Elle nous parle certes d’Oural, mais peu, préférant nous conter ses amours russes. Comme on l’aime beaucoup à cause de son caractère gai et son écriture agile, nous l’excuserons d’avoir écrit un livre alimentaire. Nous la suivons, tout au long de la lecture, avec ses yeux blue lagoon et ses cheveux blonds tressés en épis de blé, dans sa quête amoureuse. 
Elle plaît aux hommes. Mais elle a cette curieuse croyance que si c’est elle qui se déclare en premier, l’amour durera. 

Une fois le livre refermé, la signification du titre saute au yeux. « L’Oural en plein coeur », est bien une histoire d’amour. S’il s’agit de coeur, c’est celui de deux habitants de ce territoire qui vont faire palpiter le sien.

Ainsi, les cent premières pages sont-elles consacrées à Micha, un rockeur de l’Oural rencontré à Tcheliabinsk, la ville industrielle sale et polluée où ont été fabriqués le fameux T34 et les "katiouchas" de IIème Guerre Mondiale. Elle court après Micha, qui finira par se laisser prendre dans les filets romantiques d’Astrid. C’était en 1995. Leur union est passionnelle. Jusqu’au moment où ayant oublié de prolonger son visa, la milice la trouve et la jette brutalement hors de Russie par la premier avion en partance pour la France. Elle pleure Micha. Quelques SMS et puis plus rien. La distance a brouillé les messages.
En 2010, elle repart en Russie vers cet Oural où elle projette d’aller à la rencontre des peuplades autochtones, les Khanty, les Mansis, les Konis, les Oudmourtes. Mais un autre objectif est de retrouver Micha dont elle se s’est pas totalement guérie malgré les longues années de séparation. Elle retrouve Micha par la mère de celui-çi, mais Micha ne la regarde plus. 

Grande tristesse dépressive.

Mais heureusement, il y a Dima, un copain de Micha, qui sans lui proposer expressément, l’accompagne dans son aventure de journaliste-ethnologue. Pour Astrid, cet homme peut être utile car se déplacer dans l’Oural n’est pas simple et en cas d’attaque ou de vol, c’est mieux aussi. Il la courtise. Elle demeure un temps peu sensible à ces avances, puis succombe tellement Dima fait merveilleusement la queue de paon. L’amour-amitié du début se transforme en amour vrai. Ce seront les cent dernières pages de livre. A la fin, Dima posera son sac dans l’appartement d’Astrid à Paris et un an après une petite fille naît, Milla, pour laquelle ce livre a été écrit.

Astrid se jette dans l’amour sans appréhension aucune. Aimer suffit, il faut consommer quite à se consumer. L’après, on verra ! Elle parle de l’état amoureux d’une belle façon. Il n’y a jamais un détail en trop, jamais d’exhibitionnisme jamais de vulgarité. Et si elle nous fait part d’un fantasme que réalise Dima un nuit, c’est dit avec les mots de quelqu’un qui va se régaler d’un plat savoureux. Tout est en finesse et délicatesse chez cette femme. Elle a finalement eu raison de nous parler d’amour. Trop peu de gens savent en parler.

Partir à la rencontre des peuplades de l’Oural reste son objectif. Elle partira du sud, de Tcheliabinsk,  filer plus au sud vers Arkaïm où elle rencontre des chamans qui lui apprennent l’énergie positive. Puis elle remontera le long du massif en suivant les courbes du l'Ob, grand fleuve de 5400 km, vers Severouralsk et Saranpaul où elle commence à voir des communautés autochtones mais qui se russifient à grand pas. Avant ces villes, elle découvre Alexandrovka, sorte de phalanstère, loin de tout, où des individus, avocats, médecins, ingénieurs, coupent les liens avec cette société qui ne les illusionne plus, pour vivre en communion totale avec la nature, tirant d’elle subsistance et philosophie de vie. Une sorte de post-communisme. Dima sera un instant tenté par cette aventure. Astrid, pas du tout ! Ils repartiront vers le cercle polaire, à Vorkouta et Yamal où Astrid retrouvera ces Nenets de la toundra, éleveurs de rennes, avec lesquels elle vécut quelques années auparavant.

C’est une grosse déception pour Astrid de constater que ces peuplades perdent progressivement leur identité pour se fondre dans celle, virile mais sans saveur, de la Russie de Poutine. La globalisation est à l’oeuvre qui façonnera un être universel, mais mal fabriqué, car ayant rompu avec sa culture millénaire. La mondialisation fait disparaitre des langues, des savoirs-faire, des artisanats, des mode de vie originaux. La loi du plus fort impose ses vues, qui sont totalement déconnectées de l’endroit où elle s’applique. Ce qui donne cet individu titubant et hébété que l’on rencontre souvent en Russie. Le communisme s’est écroulé de sans alternative politique originale. Un capitalisme mal assumé s’est engouffré dans la brèche faisant naître brigandage et corruption généralisée. Si l’âme russe existe encore, la civilisation qui l’enrobe est en perdition totale. La Russie est un pays riche où les gens sont pauvres, désoeuvrés et alcooliques. 

Astrid aime la Russie. Elle aime ses espaces infinis et purs de plaines, de montagnes et de végétation primaire. 

Elle aime le Russe, cet être chaleureux qui sait vivre pleinement de l’instant... car l’avenir n’est pas russe.

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