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mardi 4 novembre 2014

"Léviathan" de Andreï Zviaguintsev (VO)

Léviathan : monstre colossal à la forme non précisée, marin ou terrestre selon les différentes mythologies. Peut-être serpent ou dragon ! En tout cas, hideux et terrifiant ! Jamais personne ne l'a vu ni entendu. Il est si destructeur qu'il pourrait provoquer le chaos et la fin du monde.

L'horreur totale, donc !

Qu'est ce Léviathan dans ce film ? ?
 Serait-il ce gigantesque squelette de baleine échouée auprès duquel, Roma, le jeune garçon se réfugie. Bien que le Léviathan ait désigné, dans l'imagination populaire, un grand cachalot à l'énorme mâchoire qui mesurait 17,5 mètres, vous n'y êtes pas ! 

Alors, cela pourrait-il être cette grosse tête, brutale, aux dents acérées, au bout d'un long cou qui s'abat sur la maison de Kolia, beau-père de Roma, l'enfant de Lilya, sa femme, tel un tyranosaure cruel détruisant et avalant tout ?
Encore perdu !
Ce n'est qu'une pelle mécanique. Monstrueuse quand même dans sa folie destructrice qui nous renvoie à quelques monstres terrifiants de Jurassic Park.

Il est pourtant présent ce Léviathan ! Omniprésent même !
Ce Leviathan, cette chose immonde, cruelle, gluante, polymorphe, invisible qui s'abat sans bruit, sournoisement sur tous les protagonistes du film, c'est ce sentiment de fatalité russe, cette soumission à une autorité personnalisée, cette angoisse due au vide intellectuel et moral qui emprisonne dans ses tentacules ces personnages des confins russes en bordure
de la mer de Barents en les désarticulants, provoquant chez eux des dommages physiques et mentaux irréparables.
Les personnages n'ont aucun échappatoire. Au nord, la mer ! Au sud, à l'ouest et à l’est, l’infinie de la terre russe. Ils sont dans une cage sans barreaux, obligés de vivre avec d'autres individus aux mœurs et aux destinés différentes. Ils tournent en boucle dans une tragédie qu'accompagne la même musique triste.

Et il y a cette identité russe, floue, trop floue qui se débat dans un questionnement identitaire : la Russie entre Etat-nation et empire. L'image est brouillée et met de la confusion dans le métabolisme de l'âme russe.



Pour conjurer ce Léviathan, les personnages risquent leur vie, jouent leur va-tout, sont prêt à tout perdre avant d'être engloutie dans les entrailles de la bête.

Ne nous arrêtons pas à ne voir que des hommes qui se soûlent, une femme qui trompe son mari, un homme politique qui abuse du pouvoir. Ne cataloguons pas trop vite l'homme ou la femme russe dans un schéma simpliste qui complait aux occidentaux que nous sommes. La réalité est autrement plus complexe.
Egalement ce procès pour meurtre, qui ressemble à tous les procès d'assises à travers le monde. Faute de preuves tangibles, les juges imaginent l'histoire la plus plausible pour la conscience humaine et condamnent l'auteur présumé. Rien là qui soit proprement russe !

L'immensité du pays et la nature ont forgé l'âme russe. Une âme fragile ébranlée par des siècles de dictature tsariste et par le nihilisme communiste. L'écroulement de l'URSS a été un bouleversement dont peu de personne chez nous ont mesuré le niveau insupportable de cette tragédie.

C'est aussi cela le Léviathan !
Film admirable, qui reçoit cette année le Prix du scénario au Festival de Cannes. La Russie le présentera aux Oscars 2015, même si paraît-il "Léviathan" ne plaît pas au ministre russe de la culture, Vladimir Medinski, en raison de la critique de l'Etat qui apparaitrait sous entendue dans ce film, ou bien des trop nombreux jurons proférés par les acteurs.
L'histoire ne le dit pas.

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